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Cyclomotoriste sur le point de démarrer : victime conducteur ou piéton ?

Cour de cassation, Civ. 2e, 29 mars 2012, no 10-28.129, FS-P+B

En procédant au milieu de la chaussée à la fixation de son casque réglementaire tout en se tenant debout, les deux pieds au sol, le cyclomoteur entre les jambes, la victime se trouvait ainsi aux commandes de cet engin.

Pour l'application du régime de responsabilité propre aux accidents de la circulation, découlant de la loi no 85-677 du 5 juillet 1985, il est crucial de déterminer la qualité de la victime au regard de la dichotomie piéton/conducteur. En effet, cette qualité conditionne l'influence de la faute de la victime sur l'indemnisation des dommages résultant d'atteintes à sa personne :

  • piétonne, la victime ne peut se voir opposer une réduction de cette indemnisation que si elle a commis une faute inexcusable qui a été la cause exclusive de l'accident (L. 5 juill. 1985, art. 3), cette « faute inexcusable » faisant l'objet d'une interprétation particulièrement stricte par la jurisprudence (Civ. 2e, 20 juill. 1987 ; v., par ex., Civ. 2e, 7 févr. 1996, qui écarte la faute inexcusable de piétons renversés par une automobile alors qu'ils avaient entrepris, dans une zone de circulation intense, à la nuit tombante et sous la pluie, la traversée d'une route nationale à quatre voies de circulation, sans emprunter un passage protégé se trouvant à proximité immédiate) ;
  • conductrice, la victime s'expose bien davantage à une réduction, voire une exclusion de son indemnisation, l'auteur de l'accident pouvant alors se contenter de rapporter la preuve d'une faute quelconque (L. 5 juill. 1985, art. 4).

Ainsi, le débat judiciaire se trouve souvent porté sur ce terrain de la détermination de la qualité de la victime, l'assureur de l'auteur de l'accident arguant que la victime était conductrice, afin de pouvoir invoquer sa faute.

Cette argumentation avait été écartée en l'espèce s'agissant d'un cyclomotoriste qui avait été heurté par un automobiliste alors qu'il était en en train d'attacher son casque, le cyclomoteur entre les jambes et les deux pieds au sol, au milieu de la chaussée. Les juges du fond avaient estimé que pour que la victime puisse être qualifiée de conducteur, il aurait fallu que l'engin soit en mouvement, avec ou sans motorisation, lors de la collision.

Sur le pourvoi formé par l'assureur, l'arrêt d'appel est cassé au visa des articles 3 et 4 de la loi du 5 juillet 1985. Si la cour d'appel avait retenu, à raison, que, pour apprécier la qualité de conducteur, le fonctionnement du moteur était indifférent (v. en ce sens, Civ. 2e, 13 janv. 1988 ; Civ. 2e, 4 févr. 1987 ; Civ. 2e, 28 avr. 1986), en revanche elle s'était déterminée au regard de l'absence de mouvement de l'engin pour écarter cette qualité. Or cette circonstance est manifestement sans influence selon la Cour de cassation (v. Civ. 2e, 4 févr. 1987 préc. ; Civ. 2e, 28 avr. 1986 préc., qui retiennent la qualité de conducteur de la victime alors que le véhicule était à l'arrêt). Au contraire, le critère déterminant de l'attribution de la qualité de conducteur réside dans la maîtrise du véhicule conservée par la victime qui se trouve aux commandes de celui-ci (Civ. 2e, 14 janv. 1987, qui retient qu'est un conducteur celui qui, au moment de l'accident, se trouve dans une automobile remorquée, dès lors qu'il a une certaine maîtrise dans la conduite du véhicule). Et force est de constater que la position de l'intéressé par rapport au véhicule constitue un élément essentiel pour caractériser cette maîtrise (v. C. Maury ; Civ. 2e, 7 oct. 2004), spécialement s'agissant des véhicules deux-roues : c'est ainsi que la qualité de conducteur a été attribuée au cyclomotoriste chaque fois que celui-ci avait enfourché son véhicule (Civ. 2e, 4 févr. 1987 ; Civ. 2e, 28 avr. 1986, préc. ; Crim. 10 janv. 2001) tandis qu'elle a été écartée lorsque la victime était restée à côté de l'engin (Civ. 2e, 7 oct. 2004 préc. ; Civ. 2e, 16 oct. 1991. – Rappr. C. route, art. R. 412-34, II, 2o, qui prévoit que « sont assimilés aux piétons […] les personnes qui conduisent à la main un cycle ou un cyclomoteur »).

L'arrêt rapporté s'inscrit parfaitement dans cette jurisprudence : compte tenu de ses constatations quant à la position de la victime, la cour d'appel aurait dû retenir qu'elle se trouvait aux commandes de son véhicule lors de la collision.

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