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L’exigence d’indépendance de l’expert judiciaire

Cour de cassation, Crim. 25 sept. 2012, n° 12-82.770 F-P+B

La désignation d’un expert dépendant de l’une des parties ne permet pas de garantir les conditions du procès équitable. Dès lors, la désignation même de ce technicien doit être annulée, comme doivent l’être tous les actes auxquels il a participé.

Dès lors que se pose une question d’ordre technique au cours d’un procès, une expertise peut être ordonnée. Elle se définit comme l'acte par lequel la juridiction d'instruction ou de jugement a recours à une ou plusieurs personnes possédant des connaissances spéciales dans un domaine particulier afin d'obtenir de celles-ci des éclaircissements et avis sur des questions échappant à la compétence du juge.

L’expert prête serment « d’apporter son concours à la justice, d’accomplir sa mission, de faire son rapport et de donner son avis en son honneur et sa conscience ». Ce serment emporte l’exigence d’une appréciation autonome de la situation par l’expert, qui ne devra pas être infléchie par les relations qu’il entretient avec le juge ou avec les parties. Si, en matière civile, il existe une possibilité de récusation de l’expert, le Code de procédure pénale ne prévoit pas cette possibilité. Mais l’exigence d’indépendance de l’expert vis-à-vis des parties constitue une composante du procès équitable posé par l'article préliminaire du Code de procédure pénale et l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

En l’espèce, à la suite d’une plainte déposée par une société d’audiovisuel, une information judiciaire était ouverte, notamment du chef d’abus de confiance. Le mis en examen a déposé une requête en annulation de la désignation de l’expert judiciaire et des actes accomplis par lui et des perquisitions et saisies réalisées en sa présence, en exécution d’une commission rogatoire prévoyant son assistance. Faisant droit à ces demandes, la chambre de l’instruction retient que l’expert a rédigé toutes les pages de son rapport à l’en-tête de la société d’audiovisuel, partie civile ayant déposé la plainte initiale, chacune de ces pages portant même la mention imprimée « ce document est la propriété intellectuelle de la société X ». De surcroît, le procureur général a exposé à l’audience que l’expert en question est un salarié de cette même société. Les juges en déduisent une inféodation de l’expert à la partie civile et annulent en conséquence la désignation de l’expert, ainsi que tous les actes auxquels il a participé.

Selon la chambre criminelle, la décision de la chambre d’instruction n’encourt pas la censure « dès lors que la désignation d’un expert dépendant de l’une des parties ne permet pas de garantir les conditions du procès équitable, la chambre de l’instruction, (…) a souverainement apprécié l’étendue de la nullité ».

La Cour de cassation a déjà, par le passé, exigé, au visa de l’article 6 § 1 de la Conv. EDH, que l’expert soit indépendant des parties (Civ. 1re, 6 juill. 2000), ce qui proscrit notamment que celui-ci puisse être salarié de l’une d’elles (Civ. 1re, 2 déc. 1997).

Le défaut d’indépendance ou d’impartialité d’un expert peut constituer une cause de nullité de la désignation de ce dernier et de son rapport d’expertise (Crim. 8 juin 2006). Au-delà, la chambre criminelle admet en l’espèce que l'irrégularité qui vicie l'expertise entraîne la nullité des actes de la procédure ultérieure auquel l’expert a participé. Le rôle prépondérant de cet expert au cours de la procédure (perquisitions et saisies réalisées en sa présence, en exécution d’une commission rogatoire prévoyant son assistance) commandait une telle solution.

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